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Comprendre la grogne des avocats contre la  réforme de l'aide juridictionnelle...Prenez quelques minutes pour lire cet article.

Comprendre la grogne des avocats contre la réforme de l'aide juridictionnelle...Prenez quelques minutes pour lire cet article.

Publié le : 12/10/2015 12 octobre oct. 10 2015

Connaissance prise du projet de réforme de l’aide juridictionnelle de la Chancellerie, les avocats dressent un état des lieux préoccupant et nourrissent de vives inquiétudes.
 
  • Constat unanime d’un système de l’aide juridictionnelle à bout de souffle et de la nécessité d’une réforme pour pérenniser ce service public 
Initié en 1972, le principe de "l'aide judiciaire" qui remplaçait une assistance reposant sur la charité, est devenu en 1991 "l'aide juridictionnelle" avec la mise en place d'un barème de rémunération des avocats. Il se fonde sur une unité de valeur (UV) de référence correspondant à une demi-heure de travail.
 
Depuis une décennie, tous les acteurs de justice font unanimement le constat d’un système de l’aide juridictionnelle à bout de souffle et qui va s’effondrer.
 
Une réforme est indispensable pour sauver ce service public.
 
En dépit des nombreuses alertes lancées par la profession, et alors que la demande de droit ne cesse de croître dans notre pays, l’Etat n’a pas su faire évoluer le budget qu’il consacre à la Justice. Alors qu’un Français verse 61,2 € par an pour la justice, un Allemand verse 114,3 € et un Suisse 197,7 € et le budget général de la justice française est classé au 37ème rang des pays du Conseil de l’Europe. On compte 10,7 juges en France pour 100.000 habitants, contre 24,7 en Allemagne et une moyenne de 21 pour l’ensemble de l’Europe.
 
Bien qu’en très légère augmentation ces dernières années, le budget consacré par l’Etat à l’aide juridictionnelle est insuffisant.
 
Le risque est celui d’une justice à deux vitesses selon les revenus des citoyens qui, s’ils ne peuvent avoir accès à une aide juridictionnelle de qualité, ne pourront plus défendre efficacement leurs droits.
 
De son côté, la profession supporte déjà seule la charge de la solidarité nationale en percevant une rétribution dérisoire qui n’a pas été revalorisée depuis 2007 tandis que la profession contribue à hauteur de 17 millions d’euros au fonctionnement de l’aide juridictionnelle. Une seule amélioration avec une augmentation de 8 % de l'unité de valeur (UV) en 2007 qui est aujourd’hui comprise entre 22 à 25 euros selon le barreau. Toutefois, celle-ci a été absorbée par les nouvelles taxes.
 
Au mois de décembre 2014, la Chancellerie ouvrait le chantier d’une vaste réforme de l’aide juridictionnelle avec notamment deux objectifs affichés : le développement de l’accès au droit et une meilleure indemnisation des avocats.

Une « concertation » a été organisée sous l’égide du Ministère et de nombreux avocats ont participé à ces travaux.
 
  • Le bras de fer engagé par la Chancellerie avec la profession
En avril 2015, l’absence réelle de concertation était dénoncée par la profession.
 
Sans qu’aucune conclusion n’ait été portée à la connaissance des avocats, ces derniers étaient invités à participer à plusieurs réunions de travail pendant l’été 2015.
 
Le site Médiapart révélait le 1er septembre 2015 une note de la Chancellerie sur le projet de réforme de l’aide juridictionnelle.
 
Selon la Chancellerie, ce document intitulé « Document de négociation avec la profession » constituait un simple « document cadre évolutif » et elle prévoyait la signature d’un accord avec la profession pour « arrêter les contours de la réforme » concernant les années 2016 et 2017.
 
Le budget global de l'aide juridictionnelle passerait de 375 millions d'euros à 405 millions en 2016 (soit une hausse de 7%), puis à 445 millions en 2017. Par ailleurs, 2 millions d’euros seraient débloqués pour financer les consultations avec un avocat, préalable au dépôt des demandes d’aide juridictionnelle, que le gouvernement souhaite instaurer.
 
La réforme du barème de l’aide juridictionnelle se ferait à deux niveaux. Tout d’abord au niveau national, avec la conclusion de cet accord cadre national qui instaure une « UV socle nationale » d’une valeur de 24,20 € HT (l’UV de référence actuelle est d’une valeur de 22,50 € HT), ainsi qu’un barème national de base. À ce barème de base s’ajoutera une rétribution complémentaire, fixée selon des conventions conclues dans chaque barreau, en fonction de critères spécifiques, propres à chaque ressort de TGI (contraintes locales, degré́ de dépendance à l’aide juridictionnelle des avocats du barreau, technicité́ des certains contentieux, prise en compte de contraintes particulières de déplacement etc...).
 
La Chancellerie envisage également de simplifier les formalités de dépôt d’un dossier de demande d’aide juridictionnelle, de relever à une somme avoisinant les 1.000 € (contre 941 € actuellement) le plafond permettant de bénéficier de l’aide juridictionnelle totale (100.000 nouveaux justiciables bénéficieraient ainsi de l’aide juridictionnelle totale en 2016) et de simplifier le dispositif de l’aide juridictionnelle partielle.
 
En revanche, la rétribution de certaines missions (la garde à vue, les procédures de divorce et certaines procédures prud’homales) seront nettement diminuées et deviendront dérisoires. Ainsi, la rétribution d’un avocat assistant un gardé à vue pendant les premières 24 heures serait réduite à 180 € au lieu de 300 € actuellement. De même, un référé́ en matière civile ne serait rétribué qu’à hauteur de 145 € contre 345 € actuellement.
 
Avec un certain cynisme, la Chancellerie insistait sur la nécessité « fondamentale » d’une participation financière de la profession. « La profession doit prendre conscience que l’AJ constitue pour elle aussi une dépense d’intérêt collectif et qu’ils (sic) sont tenus par la loi et leur serment de participer efficacement à l’exercice de ce service public », soulignait le document. Cette participation financière prendrait la forme d’un prélèvement d’une partie des produits financiers issus des placements de fonds auprès des CARPA. La Chancellerie prévoit un prélèvement de 5 millions d'euros en 2016 et 10 millions en 2017.
 
Le bras de fer entre la Chancellerie et la profession sur la réforme de l'aide juridictionnelle était lancé.
 
Le projet de réforme de l’aide juridictionnelle était fixé dans l’article 15 du projet de loi de finances pour 2016.
 
  • Réaction de la profession face aux méthodes et au mépris de la Chancellerie
La révélation par Médiapart de la note de la Chancellerie a suscité la surprise du Président de la Conférence des Bâtonniers, Marc Bollet, pour qui « aucun accord, sur aucun des points évoqués dans ce document n’a été́ scellé ».
 
Même discours de la part du Président du Conseil National des Barreaux (représentation nationale des avocats de France), Pascal Eydoux, qui ajoutait que « nous n’avons pas discuté́ avec la Chancellerie sur ces propositions », regrettant que les propositions de réforme parviennent plus vite à la presse qu’aux avocats et en appelant à une concertation rapide avant que les discussions à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances ne débutent mi-octobre.
 
Le 11 septembre 2015, le CNB adoptait à l’unanimité une délibération "contre toute contribution financière directe au budget de l'AJ".
 
Le 19 septembre 2015, la Conférence des Bâtonniers du Grand Sud-Ouest adoptait une motion exigeant le retrait immédiat des dispositions de l’article 15 du projet de loi de finances pour 2016, « propositions offensantes … comme préalable à la reprise de toute discussion », menaçant à défaut « de recourir au blocage de la clé RPVA. »
 
Réunie en Comité à Bordeaux le 3 octobre 2015, la FNUJA adoptait une motion exigeant le retrait sans délai des dispositions de l’article 15 du projet de loi de finances pour 2016.
 
Le 8 octobre 2015, au terme d'une assemblée générale musclée, le CNB a adopté une motion exigeant le retrait des dispositions de l’article 15 du projet de loi de finances pour 2016 et le retrait de la révision de tout barème qui se traduirait par une diminution de la rétribution des missions accomplies. Le CNB a appelé tous les bâtonniers et les barreaux de France à « cesser toute désignation au titre de l’aide juridictionnelle » et « la mise à disposition des moyens humains et matériels nécessaires au fonctionnement du service de l’aide juridictionnelle ». Une décision sans précédent, avec l'acceptation du barreau de Paris de se joindre à ce mouvement de grève unitaire. Le CNB « renvoie l’État à son devoir et ses responsabilités quant à la politique publique de l’accès au droit et à la justice ».
 
Dans un communiqué de presse du 9 octobre 2015, le Barreau de Paris annonçait sa décision, à partir du mardi 13 octobre 2015 à minuit, de suspendre l’organisation de toutes les permanences et consultations gratuites. Au civil, le Bâtonnier de Paris ne désignera plus d’avocat au titre de l’aide juridictionnelle. Au plan pénal, il ne commettra plus d’office. Toutes les permanences pénales seront suspendues, de même que les permanences mineurs, victimes, étrangers, commission de discipline et hospitalisations d’office. La permanence téléphonique pour les gardes à vue sera suspendue.
 
Dans un communiqué du 9 octobre 2015, la Ligue des Droits de l’Homme dénonçait que « laisser à une profession le soin de financer ce qui reste un service public revient à méconnaître les obligations de l’Etat » et appelait « le gouvernement à garantir un égal accès à la justice à tous les citoyens. Sans accès aux droits, sans une justice égale pour tous, c’est la démocratie elle-même qui est mise en cause. »
 
Lors du congrès national de la profession à la Mutualité à Paris le 9 octobre 2015, le Ministre de l'Économie a joué les pompiers de service dans un contexte de rupture avec le Ministère de la Justice. Cette intervention n’a pas su effacer dans nos esprits l’absence de la garde des Sceaux qui était pourtant attendue de pied ferme. Sans surprise, le Ministre a abordé tous les sujets fâcheux de la profession, sauf celui de l’aide juridictionnelle.
 
Le CNB a clairement pris position : les avocats ne paieront pas davantage qu'ils ne le font déjà pour l'aide juridictionnelle.

Décider d'une grève des désignations de l'aide juridictionnelle peut-il être une solution quand sa portée auprès du gouvernement semble si incertaine ?
 
Perçus (à torts mais c'est ainsi) par le grand public comme des nantis, les justiciables vont-ils - et c'est la clé - nous soutenir ?
 
Quoi qu’il en soit,  le CNB a décidé d'un bras de fer avec le gouvernement sur l'aide juridictionnelle et les avocats sont maintenant dans l'obligation de le gagner !
 
Les avocats dénoncent le fait que les Pouvoirs publics en demande toujours plus à la profession alors qu’elle est pourtant l’acteur principal de l’accès au droit.
 
La stigmatisation des avocats sur ce sujet est insupportable.
 
Nous ne sommes ni écoutés ni respectés par la Chancellerie qui nous propose un dialogue de sourd ; Madame TAUBIRA n’hésita pas à déclarer récemment "tous les rapports disent que le système est à bout de souffle et va s'effondrer. Si on ne fait pas cette réforme, les avocats auront raté la seule garde des Sceaux qui était décidée à le consolider".
 
Il est hors de question que nous payons pour exercer notre métier, qui plus est pour être sous-payés.

On ne demande pas aux médecins de payer pour le déficit de la Sécurité sociale !
 
Sur la contribution des avocats, le projet de loi de finance pour 2016 est amendable jusqu'au 18 décembre 2015.
 
Il a urgence à se mobiliser contre le projet de réforme sur l’aide juridictionnelle dans le droit fil de l’appel à la mobilisation du CNB.
 
Des actions seront prochainement menées par les avocats qui refusent la justice à deux vitesses qui naitra indéniablement de la réforme du Gourvernement.

Les avocats se mobilisent pour vous, justiciables, pour vos droits, pour un égal accés à tous à la Justice !

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